Chronique d'une mort annoncée

Dimanche : me suis abreuvée de tequila chez le fort sympathique Don Margarito (qui par souci de nous recevoir honorablement, le Lic. et moi-même, a sacrifié non seulement une gallina de son rancho mais aussi un gentil petit conejo, arrosé, celui-là de jus d’orange amère, et grillé au barbe-cul, une fois débité en moitiés façon test de Rorschach) Reconnaissante, j’ai arrosé la conversation de commentaires admiratifs quant à l’économie mexicaine et écœurés-désespérés quant à l’européenne en convaincant de mon mieux mes hôtes qu’ils avaient bien de la chance de ne pas vivre dans un pays de m***e comme celui qui a édité mon passeport

 Lundi : voilà que mon ex amant péruvien sur le point de fêter son demi siècle sur cette terre commence une nouvelle vie en Floride où il cherche du boulot (vainement pour l’instant mais l’espoir fait vivre) — Floride où il ne connaît pas âme qui vive à part son frangin toubib workoholic (et où ça m’étonnerait qu’il croise des Floridiennes du genre de celles de François-René). Une telle disposition d’animo (principe qui nous anime) me laisse songeusement admirative…

 Mardi : voilà que mon ex amant de la braderie qui vient à peine de franchir le cap du demi siècle sur cette terre m’apprend qu’il a un pied dans la tombe. « Noël au scanner, pâques au cimetière. » Le pire ( ?) c’est qu’il a l’air de prendre la chose assez sereinement. Au point que, me dit-il, c’est lui qui demande à ceux à qui il annonce la nouvelle : « ça va aller ? » Une telle disposition d’animo me laisse admirativement songeuse…

 Mais en un sens : est-ce qu’on n’en est pas tous au même point : certains de mourir tôt ou tard ? Pourquoi faisons-nous semblant d’avoir toute la vie devant nous, nous les soi-disant bien portants ?

 Et pendant ce temps-là, le Lic. et moi-même rejouons Un dîner presque parfait chaque jour que Dieu fait : en remerciement du bouillon de poisson-crevettes-crabes à la Veracruzana (un dé-lice ! Il faudrait que je le demande en mariage. Ah mais non ! Suis-je bête : je ne peux pas, c’est moi, la fille) j’ai rempli l’office de secrétaire juridique — dactylo écrivant sous la dictée — jusqu’à l’heure de la zumba. Une rubrique de plus sur mon C.V. ?